Directeur-fondateur avec Françoise Schmitt, de l’Institut d’Etudes Supérieures des Arts, Jean-Marie
Schmitt est l’auteur d’un livre consacré au marché de l’art ’(édité par la Documentation
française) paru juste avant la crise du 15 septembre 2008.
Six mois après les événements qui ont bouleversé le système bancaire mondial,
comment se comporte le marché de l’art français au printemps 2009 ?
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Jean-Marie Schmitt répond aux questions de Jean Bedel
J.M.S Au fond, si l’on se reporte à la crise des années 1989/90, on ne constate pas de changement
fondamental. On sait que le rythme des transactions est cyclique. Ces mouvements dépendent d’une conjoncture
où peut s’exercer la richesse des acquéreurs éventuels. Pour limiter des investissements spéculatifs
souvent excessifs, une bonne purge de temps en temps est nécessaire et salutaire.
La France d’ailleurs a moins souffert d’actions spéculatives que d’autres pays, notamment les États
Unis où les “surprimes pourries“ ont ruiné le crédit. Un artiste comme Damien Hirst, par exemple,
a pu profiter des capitaux abondamment disponibles pour faire monter les prix de ses “installations“ aussitôt
achetées, le marketing aidant, par des golden-boys.
J.B. S’agit-il, selon vous, d’une crise comme les autres ?
J.M.S. Le marché de l’art subit des oscillations normales qui dépendent d’autres phénomènes
économiques. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est lapossibilité d’utiliser des outils d’analyse
qui permettent de mieux mesurer les effets de la crise grâce à des statistiques portant sur le nombre
des transactions.
J.B. .Comment savoir où l’argent va se placer ?
J.M.S. On ignore vers quel biens vont se reporter les sommes disponibles : actions boursières, voitures,
loisirs, œuvres d’art ou autres valeurs immatérielles. Aujourd’hui une certaine méfiance s’est installée
parmi les amateurs d’art qui sont considérés comme des nantis. Sur ce “marché de riches“,
comme disent certains, on ne peut s’attendre à aucune mesure d’incitation à la reprise. En attendant,
les chiffres d’affaires des antiquaires, des galeries et des maisons de vente ont baissés, mais les prix
ne s’effondrent pas. Il est même possible que leur chute provoquée par la crise attire de nouveaux
clients qui considéraient jusqu’alors les biens artistiques comme inaccessibles. On oublie souvent qu’au
delà de la recherche d’un produit performant, c’est, sur le marché de l’art, la délectation
qui est à la base de la décision d’achat.
J.B. Des mesures fiscales pourraient elles activer la demande de biens artistiques ?
J.M.S. Je ne crois pas que des mesures techniques puissent changer la donne…..
J.B. Le développement continu et inéluctable d’internet risque-t-il de court-circuiter
l’activité des professionnels ?
J.M.S. Il appartient aux professionnels de s’adapter aux technologies nouvelles. Se trouveront court-circuités
ceux qui n’auront pas su se servir de cet outil de travail, n’auront pas tenu compte des nouvelles règles
du jeu. Finalement les meilleurs resteront les meilleurs. Quand s’est posé le problème des enchères
par téléphone, il a bien fallu que tout le monde s’y mette… et les objections sont tombées.
D’une manière générale un certain temps d’adaptation est nécessaire pour que les professionnel
s’habituent à faire des transactions sans toucher aux objets. De toutes façons rien ne peut bloquer
l’évolution des progrès technologiques.
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